Le journaliste et opposant congolais Freddy Mulongo espère un sursaut de la communauté internationale. Photo Tribune de Genève
Son large sourire masque une inquiétude. Chassé de son pays il y a plusieurs années, Freddy Mulongo ne supporte plus de voir la population congolaise jouer les souffre-douleurs de chefs de guerre assoiffés de sang et d’argent. L’indifférence du président Kabila l’exaspère. Même si les ONG et l’ONU ne cessent de publier des rapports alarmistes sur la situation des droits de l’homme en RDC, il se sent parfois bien seul. «La banalisation et le silence, c’est ça le drame», soupire-t-il.
«Il faut dénoncer ce qui se passe au Congo»
Freddy Mulongo exprime le ras-le-bol de la diaspora congolaise. Il est l’un des rares journalistes africains à avoir pu interpeller François Hollande, avant son déplacement controversé à Kinshasa pour la conférence de la francophonie qui a eu lieu en octobre 2012. Le journaliste Congolais s’était ému de voir le président français revenir sur sa promesse de ne pas serrer la main des dictateurs. Pour autant, il comprend les contingences de la diplomatie. Avec le recul, il voit du positif dans tout cela. «La compagne du chef de l’Etat, Valérie Trierweiler, était du voyage. Elle a pu constater sur place la détresse des femmes et des enfants et, depuis, elle défend leur cause», se console-t-il. On avance aujourd’hui le chiffre de 500 000 femmes violées.
Au cours des trois dernières années, Freddy Mulongo a publié deux ouvrages. Le premier, Le Congo post-Kabila par la diaspora congolaise, est un recueil d’interviews. Des opposants et intellectuels y exposent leur vision d’un Congo pacifié et réconcilié avec les droits de l’homme. Le second ouvrage, En toute liberté, est un plaidoyer plus personnel construit autour d’articles consacrés aux «sans voix». Le journaliste montre, documents à l’appui, que les Congolais ont tenté à maintes reprises de réveiller la communauté internationale. Freddy Mulongo croit savoir ce que cache cette apparente léthargie. «Reconnaître qu’il y a des crimes et des violations graves des droits de l’homme, c’est aussi reconnaître que la Monusco, ses 17 000 hommes et son budget annuel d’un milliard de dollars sont inefficaces», explique le journaliste.
Au Congo, les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme ont payé un lourd tribut. Le double assassinat en juin 2010 de Floribert Chebeya et de son collègue Fidèle Bazana est une plaie qui ne s’est jamais refermée. Pour Freddy Mulongo, ce crime illustre le pourrissement des institutions. «Aujourd’hui, une oligarchie protège le pouvoir qui vit des ressources minières du Katanga. Pendant ce temps, les seigneurs de guerre terrorisent les populations et pillent les richesses du Kivu en s’alliant à des multinationales», résume le journaliste.
Freddy Mulongo ne comprend pas pourquoi la communauté internationale ne s’oppose pas avec plus de vigueur aux visées hégémoniques du président rwandais Paul Kagame, dans la Région. «Les rebelles du M23, c’est lui. Il y a des rapports de l’ONU qui le prouvent. Le pillage du Coltan, c’est lui aussi et pourtant personne ne fait rien. Est-ce parce qu’il compte de puissants conseillers, tels que Bill Clinton et Tony Blair?» interroge Freddy Mulongo, qui se demande si le monde ne va pas s’en mordre les doigts un jour. Et d’avertir: «Le chaos qui règne risque de profiter aux islamistes. Les frontières de RDC sont poreuses surtout à l’est. Ce ne serait pas étonnant qu’Al- Qaida finisse par s’installer sur notre territoire.»
Alain Jourdan, Tribune de Genève
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